L’invitation
Tout un chacun peut, plus ou moins, évoquer les corridas qu’il a vues. Mais l’art du chroniqueur taurin est autrement plus difficile — et celui de la chronique régulière dans un quotidien national est le plus difficile de tous. Car il faut pouvoir, dans un format imposé, à intervalles réguliers et rapprochés, susciter l’intérêt (littéraire) des non-aficionados tout en satisfaisant l’intérêt (informatif) des aficionados, savoir raconter à ceux qui n’y étaient pas tout en enrichissant ceux qui y étaient.
A cet art, rare, Jacques Durand a excellé pendant vingt-six ans dans « Libération », le dernier quotidien national à consacrer aux toros une page, tantôt hebdomadaire tantôt mensuelle.
Cette célèbre page du jeudi, qui, depuis de nombreuses années, ne paraissait plus que dans les éditions méridionales, a définitivement disparu en juillet dernier du quotidien pour des raisons économiques. Cependant Jacques Durand ne s’est pas tu et sa page (comprenant à la fois un article général et des brèves de toutes les tailles) est accessible aux plus fidèles par abonnement. Voir : http://www.editions.atelierbaie.fr
Nous sommes donc heureux d’accueillir l’écrivain, le conteur, le mémorialiste, l’aficionado, l’amoureux de la culture espagnole,
Jacques Durand
qui évoquera son travail de chroniqueur taurin,
et nous contera, à sa manière, quelques petites et grandes histoires de la corrida
le mardi 19 février
à partir de 20 heures
au sous-sol du restaurant Loubnane
29 rue Galande , Paris 5ème Métro Saint-Michel
Le compte- rendu
Le 19 février, au restaurant « Loubnane », le Club taurin de Paris recevait Jacques Durand, le journaliste et écrivain bien connu, titulaire pendant plus d’un quart de siècle – jusqu’à l’an dernier – de la chronique taurine de « Libération », auteur d’innombrables ouvrages et qui exerce à présent ses talents sur le net, très précisément à l‘Atelier Baie, dont le responsable était présent avec lui ce soir-là. A ce sujet, il dit d’ailleurs ne pas regretter son départ de « Libération » car le support numérique lui donne une beaucoup plus grande liberté, notamment en termes de volume de ses articles.
La soirée a été un grand succès, d’abord en termes d’affluence – le « Loubnane » s’est révélé presque trop petit – et ensuite sur le fond. Jacques Durand n’a pas prononcé de conférence à proprement parler, ce qui n’est d’ailleurs pas dans son tempérament. Il a plutôt répondu aux questions des personnes présentes avec son talent incomparable de conteur et son humour.
On a retrouvé au cours de cette soirée quelques- unes de ses obsessions, notamment celle des «sans-grade » ceux qui font la picaresque de la Fiesta, maletillas, mozos de espadas, « porteurs » des toreros, ainsi que son intérêt constant pour les histoires familiales des toreros – qui peuvent expliquer beaucoup de choses dans leur carrière.
Il a aussi exprimé des idées particulièrement pertinentes sur la tauromachie, en particulier à propos de la manière d’écrire sur les toros : selon lui, en matière d’écriture taurine, c’est l’arabesque, et non la ligne droite, qui constitue le meilleur chemin d’un point à un autre. Il a aussi insisté sur l’idée que les toreros expriment, à leur manière, le lieu dont ils sont originaires , par exemple la Méditerranée pour Luis Francisco Esplà ou la Mancha pour Damaso Gonzalez.
Parlant de la corrida comme d’un « art de la berlue », il a souligné ce paradoxe que lorsque le toreo atteint un niveau vraiment exceptionnel – il a cité les cas de Paco Ojeda et Jose Tomas – il paralyse l’écriture ; c’est pourquoi, dans des cas comme ceux-là, plutôt que de raconter les faenas dans le détail, il préfère s’intéresser à l’environnement, aux réactions du public…
Au total, une soirée particulièrement riche et sympathique. Tout le monde est bien sûr convié à se rendre sur l’Atelier Baie et à s’y abonner, pour se délecter des écrits de celui qui est sans doute l’une des plus belles plumes taurines des dernières décennies.
Thierry Vignal