Le Club Taurin de Paris est heureux de recevoir José Cutiño, aficionado et gestionnaire de plusieurs arènes dont Olivenza, Badajoz, Malaga depuis 2013, et depuis cette année, de celles de Zaragoza. Pour beaucoup d’entre nous José Cutiño est un exemple de ce que peut construire un organisateur de spectacles qui agit d’abord en tant qu’aficionado ; il a transformé Olivenza en féria de référence du début de saison, il a donné un nouveau souffle aux arènes de Malaga en adaptant l’offre à l’esprit et l’histoire de la ville comme dans la corrida dite « picasiana » avec les décorations du peintre Loren, ami de toujours du Club Taurin de Paris et, tout récemment, il a relancé Zaragoza qui allait bien mal avant qu’il ne la prenne en main en association avec Simon Casas.
Evoquant la dernière déclaration très pessimiste de l’ANOET, José Cutiño avance une approche fondamentalement différente. Tout comme le matador Perera qui a dit que ceux qui ne voulaient pas prendre le train n’avait qu’à rester sur le quai, lui et son équipe veulent donner une approche dynamique, ouverte sur le futur avec des perspectives donnant à la Fiesta un visage optimiste, au service de ce spectacle unique qu’est la corrida.
José Cutiño s’efforce de travailler dans l’optique de transmettre la passion pour la Fiesta aux générations futures. Il raconte comment il est « entré en tauromachie ». De la même région qu’Espartaco, il a partagé avec lui la passion pour les taureaux. Puis, alors qu’il s’engageait dans la carrière d’instituteur, il a tout abandonné pour accompagner le matador en tant qu’aide valet d’épée et vivre au quotidien les taureaux. Il a alors vécu de l’intérieur le monde de toreros, il a partagé leur vie et connu leurs émotions, leurs peurs, leurs joies et leurs peines; Il a vu à quel point, il était difficile d’être torero et compris pourquoi c’est le personnage du torero qui amène le public aux arènes.
En tant qu’empresa, José Cutiño gère Olivenza depuis 25 ans, et d’autres arènes de la région d’Extremadura. Depuis deux ans avec S. Casas, il s’occupe de Malaga et Zaragoza : leur association est avant tout fondée sur une relation d’estime réciproque et de partage des mêmes valeurs : la même manière de sentir et de comprendre la tauromachie, d’écouter et de connaître le goût de l’afición, ce qui leur permet de répondre aux attentes du public et de remplir les arènes. Ils travaillent ensemble pour le montage des cartels. Le gestionnaire doit être un aficionado à l’écoute des aficionados : ce n’est pas la même chose de monter une Féria à Olivenza qu’à Zaragoza.
En Extremadura, l’appui apporté par les pouvoirs et institutions publiques à la tauromachie doit, selon lui, être souligné ; s’y sont révélés de grands toreros qui sont le fruit de la collaboration entre les Institutions et les professionnels. L’école taurine de Badajoz a produit Perera, Talavante et Garrido, c’est une chance énorme pour l‘Extremadura que d’avoir dans la même région plusieurs grands toreros, Perera et Talavante, sans oublier Ferrera et de nombreux novilleros prometteurs ; toutes les régions d’Espagne ne peuvent en dire autant. La chance de l’Extremadura tient à divers facteurs ; les élevages qui s’y sont implantés et développés, les cahiers des charges plus raisonnables tant en nombre de spectacles obligatoires qu’en montant des loyers (de 14 à 8 et des loyers passant de 300.000€ à 50 000€). Ces conditions permettent de monter des affiches avec les plus grands matadors ce qui ne serait pas envisageable dans d’autres conditions. Ce n’est pas la quantité de spectacles qui fait la qualité d’une feria, elle n’est pas meilleure parce qu’elle a plus de corridas, c’est l’argument artistique qui fait venir le public.
José Cutiño insiste d’ailleurs sur l’attention que les responsables doivent porter aux répercussions économiques des férias. Celles-ci peuvent être très importantes lorsque torée par exemple José Tomas, mais, dans tous les cas, elles ne sont jamais négligeables. Dans le cas de José Tomas, une municipalité ou une région peuvent par exemple « investir » 90 000 euros et entraîner des apports financiers pour la région qui vont jusqu’à 3 000 000 d’euros.
A propos de la répartition des coûts d’une affiche entre toreros et bétail, José Cutiño avance que le plus souvent et de façon globale un tiers du total des coûts va à l’élevage et les deux tiers aux toreros. Mais les situations sont diverses : pour les toros de certains élevages de prestige, souvent toréés par les matadors modestes, le lot de toros peut représenter 120% des honoraires des toreros.
Le fait d’avoir beaucoup d’arènes n’est pas un avantage en soi, si ce n’est celui d’offrir plus de possibilités de contrats au même torero. Le fait d’avoir des arènes de première catégorie est plus une affaire de prestige qu’un avantage pour engager des toreros.

Jean-Pierre Hédouin remet un souvenir de Paris à José-Luis Cutiño. Au premier plan, Patrick Guillaume © Marie-Luce Baccelieri
Les relations avec la presse ont beaucoup changé. Dans le temps, les journalistes devaient acheter aux journaux l’espace de leurs papiers, ce pourquoi ils recevaient une enveloppe de l’apoderado. Aujourd’hui la presse taurine est indépendante et les journalistes ne reçoivent plus rien du torero ou de son apoderado.Quant à l’apoderado, il est rémunéré par le torero sur la base d’un pourcentage de ses honoraires (15 à 20%). Quant à l’imagerie relative aux contrats qui seraient passés de façon informelle en reposant sur l’engagement oral, si le rôle de la parole demeure important dans les pratiques du mundillo, il diminue de plus en plus au profit de contrats en bonne et due forme. Cette modernisation des pratiques concerne également le mode de règlement des matadors qui se fait de façon plus régulière sans attendre la fin de la saison.
D’autres thèmes sont abordés comme le rôle de veedor (de torero ou d’empresa) qui est important au cours de l’hiver et dont l’action permet une amélioration régulière de la présentation des toros.
Pour répondre aux nombreuses questions portant sur les pratiques d’élaboration des affiches d’une corrida ou d’une feria, José Cutiño a insisté sur les quatre points clefs essentiels pour tout matador qui tournent autour des questions suivantes : à quelle date ? Avec quels autres toreros ? Avec des toros de quel élevage ? Avec quel cachet ? Depuis des années, c’est toujours autour de ces quatre points essentiels qu’il faut se mettre d’accord.
A la question des problèmes particuliers qui se présenteraient pour engager José Tomas, José Cutiño a souhaité préciser que les choses se sont toujours passées simplement : en 2012, alors que Juli avait été écarté des grandes ferias du début de saison, il s’est rapproché de Salvador Boix pour lui proposer un mano a mano entre José Tomas et El Juli lors de la feria de Badajoz. La réponse fût positive de la part de José Tomas. En bref, il n’est pas plus difficile d’engager José Tomas qu’un autre torero, il choisit et décide en fonction des propositions. On a prétendu que c’était en fonction de son pouvoir d’engager Tomas qu’il avait obtenu la gestion de Malaga, c’est faux, on attendait José Tomas deux fois à Malaga ; Il n‘est venu qu’une fois. José Tomas est l’unique torero à ne rentrer dans aucune classification. José Cutiño n’est pas un ami de José Tomas, mais il partage avec lui la même façon de concevoir le toreo et la dimension d’événement que doit avoir et conserver une corrida de toros.
On en vient à des questions concernant la philosophie générale de la corrida qui peut être celle de José Cutiño. Celui-ci, qui se dit avant tout aficionado, est plutôt optimiste. Si on respecte le taureau et le torero, si on soigne tous les détails, après la nécessaire diminution du nombre de spectacles qui a suivi la phase d’inflation des années 90, il y aura une stabilisation du nombre des corridas.
José Cutiño évoque ensuite, à notre demande, ce qu’il prévoit pour Malaga où Morante est tenté de participer à la corrida « picassienne », mais aussi ce qui va se passer à Olivenza, entre le 6 et le 8 mars 2015, où par exemple José Garrido devrait prendre son alternative (il y aura deux novilladas et deux corridas).
En réponse à une sollicitation sur ses cartels de rêve, avec les toreros actuels, Il s’en tient à deux, Tomas, Morante et Juli d’un côté, Ferrera, Perera et Talavante de l’autre, avec des Garcigrande d’un côté, des Victoriano del Rio de l’autre. Mais pour des lots un peu différents, un peu plus « toristes », il cite par exemple Urdiales.
Que penser de la télévision ? La télévision fait un travail important mais à travers la télévision, le grandiose de la tauromachie se perd. Téléviser la totalité d’une féria, c’est trop; celle d’Olivenza ne l’est pas, seule la novillada l’est parce que cela met en valeur les jeunes toreros.