
Tour de piste de Javier Jimenez à Séville © MLBAC
Le club a le plaisir d’accueillir Javier Jiménez, accompagné de José Luis Peralta, (neveu de Angel et Rafael) son apoderado de proximité, lui aussi matador de toros. De par son engagement sans faille, son courage, sa lucidité et son art, Javier Jiménez a été l’un des six jeunes toreros qui ont marqué la saison, un parcours couronné par la grande Porte de Madrid.
Avec une grande lucidité et un sens remarquable de l’analyse de ses atouts et de ses lacunes, Javier va faire le récit de son parcours depuis son entrée à l’école taurine d’Espartinas. Pourquoi Javier a-t-il choisi de passer par l’École Taurine? À 12/13 ans, Javier avait une grande aficion. Comme il était plutôt gros, son père lui avait dit, « je vais te présenter au père d’Espartaco, il va te faire maigrir ». Javier partagea alors son temps entre l’école taurine d’Espartinas et l’apprentissage dans les tientas sous la tutelle et la poigne d’Espartaco père, ancien torero puissant aux grandes capacités techniques, qui lui a injecté le venin des taureaux. Il l’a surtout beaucoup aidé à affirmer son toreo et lui a également tout appris sur la vie et comment vouloir être le meilleur pour devenir un homme.
Après chaque novillada, il reprenait avec Javier les faenas et le conseillait très fermement pour qu’il s’améliore. Javier toréait avec Borja, son frère cadet, qu’il considère plus doué que lui pour le toreo… Javier a tué son premier novillo à 14 ans. Ce jour là, les deux frères étaient à l’affiche à Espartinas. Son frère coupa la queue de son premier novillo et Javier seulement une oreille. Cette concurrence entre les deux frères l’a beaucoup motivé. Par ailleurs, Canal Sur, avec son cycle de novilladas de promoción, lui a permis de se faire connaître. En deux ans, dans les années 2008-2009, Javier a toréé sans chevaux 70 novillos. Puis il a débuté avec chevaux au Mexique en 2010. Dans son parcours en piquée, il a vite été en tête de l’escalafón mais il n’était pas satisfait de son toreo dont il estimait qu’il manquait de sentiment et d’art. Il a changé d’apoderado en 2013 et cela fait donc trois ans qu’il travaille avec José Luis Peralta.
Avec José Luis, Javier a établi des relations personnelles qui lui permettent de mieux s’auto-analyser. Ils s’entraînent ensemble, et il se soumet à une préparation physique intense. Jose Luis lui apporte son expérience et lui enseigne le maniement de la muleta au cm près. L’impératif « siente lo ».
En quelques mois, Javier a évolué de manière significative, tant au plan technique qu’au plan personnel. Le toreo n’est pas une guerre mais une affaire de sentiment. Jose Luis a fait vivre chez Javier l’espoir, l’enthousiasme, la passion, en un mot « la ilusión ».

Javier Jimenez entouré par Araceli Guillaume, Jose Luis Peralta et Jean-Pierre Hedouin © MLBAC
En 2013, au début de sa dernière saison de novillero, il coupe une oreille à Valence, à Séville et à Madrid. Du coup, il constate de la part des aficionados une attitude différente; Ils le considèrent désormais non plus comme un jeune torero technique, vaillant et « bagarreur » mais comme un jeune qui peut « dire le toreo ».
La question s‘est alors posée de l’opportunité de prendre l’alternative et où la prendre ? Il rêvait de la Maestranza mais les cartels étaient bouclés et il a fallu un mouvement social à Séville pour que cela puisse se faire. Il a donc pris l’alternative le 3 mai 2014 avec Ponce comme parrain et El Cid comme témoin ; Ce fut pour lui un jour très heureux qui reste gravé dans sa mémoire. Il se souvient que, pendant toute la « tarde » les deux maestros furent très attentifs, très présents pour le rassurer, l’encourager et faire en sorte que tout se passât bien. Javier s’est alors rendu compte de la chance qu’il avait de toréer avec des grands avec la volonté de toujours essayer de s’élever à leur hauteur. Il a aussi compris que ses muletazos étaient devenus très différents et le public lui-même en a été surpris.
Javier revient sur son plaisir de toréer en compagnie des figuras et évoque la saine rivalité de toréer avec son frère. Alors qu’en famille, il est très proche de lui, dans l’arène, c’est un vrai combat.
Il se rappelle aussi une faena à Séville, au printemps 2015, où il était très sûr de lui, très décontracté; Il pensait que ce serait le jour de sa vie. Ce fut exactement l’inverse: il a perdu la muleta plusieurs fois, a mal tué…. Comme quoi dans l’arène, il faut être sûr de soi mais pas trop… Cet échec lui a beaucoup apporté. Il a eu du mal à retrouver la ilusión, mais il a finalement réussi. Après sa bonne journée de Madrid lors de sa confirmation (15 aout 2015), il y eut d’autres bonnes sorties. Javier se rappelle que sur le chemin du retour, avec son père, il s’était interrogé sur les raisons qui le poussaient à être torero. En se posant la question, Javier a réalisé que c’était non seulement la plaisir du toreo qui l’attirait, plaisir qu’on peut aussi connaître en tienta, mais surtout celui de rendre les gens heureux. « J’aime toréer pour le public; Sa pression est difficile à vivre mais c’est le tandem toreo et public qui donne la plénitude au fait de toréer. »
Après la belle saison 2015, José Luis était un peu perplexe car il voyait que Javier n’arrivait pas à définir son toreo. Certes, Javier est très aidé par sa taille, sa ceinture, mais quelque chose n’allait pas. Ils ont travaillé intensément pour bien dégager sa personnalité et trouver un toreo qui lui corresponde vraiment. D’ailleurs le lendemain de Madrid, Espartaco père avait été très exigeant avec Javier pour corriger ce qui lui semblait être des défauts.
La corrida du 5 avril à Séville a été pour Javier un grand révélateur. Son premier taureau de Torrestrella était faible mais plein de qualités. Javier a tout de suite vu qu’il pourrait réaliser une grande faena, il a demandé à sa cuadrilla de le ménager et a pu lui donner des passes de haute qualité. C’est ce jour-là, qu’il a compris que José Luis lui donnait de très bons conseils.
José Luis estime que, tout en sachant toréer des taureaux monumentaux, Javier est devenu un torero de grande profondeur. De son point de vue, le plus important est de réaliser un toreo pur, profond, et d’être toujours exigeant avec soi-même. Il considère, par exemple, que le toreo à genoux est un toreo secondaire dont il ne faut pas abuser.
A Pampelune, cette année, Javier s’est fait très violemment bousculer par un toro de Cebada Gago ; il ne sentait plus ses jambes et avait perdu connaissance et mémoire. A l’infirmerie, contre l’avis des médecins, mais encouragé par son frère qui, au téléphone lui disait que, malgré la douleur, il devait retourner dans l’arène, il a voulu revenir toréer car, pour lui, il était hors de question de ne pas le faire. Il eut beaucoup de mal à tuer son premier taureau; À son deuxième taureau, il avait mal partout mais s’est subitement souvenu que, contrairement à son habitude, sa mère le regardait à la télévision et il lui a dédié son toro avec des paroles rassurantes. Ce fut une tarde héroïque où Javier, outre les qualités de son toreo, a montré, sa capacité à faire face et à surmonter les difficultés.
José Luis estime que Javier peut s’enorgueillir d’avoir su dominer nombre de difficultés et d’avoir fait évoluer son toreo; ce n’est pas seulement la ténacité qui l’a fait arriver là où il est. Javier abonde dans le même sens et apprécie en José Luis son aptitude à « déceler les qualités que tu portes en toi et à t’aider à les exprimer. »
Après cet exposé, Javier s’est gentiment prêté au jeu des questions avec la salle.
A la question de savoir ce qui va changer avec l’intégration de Simon Casas dans l’équipe, il répond que l’organisation « Simon Casas production » va lui permettre d’entrer dans des des plazas où il n’avait pas accès et contribuer ainsi à son évolution artistique. Il ajoute que Simon.Casas n’est pas un homme d’affaires ordinaire et que, s’il n’est pas un faiseur de miracles, il va faire évoluer le monde taurin empresarial.
A la question de savoir quel serait pour lui le nombre idéal de corridas, il répond que l’objectif est d’être présent dans toutes les grandes ferias; Naguère, quand il y avait davantage de spectacles taurins, le nombre idéal aurait pu être de 70. Aujourd’hui, compte tenu de la réduction du nombre de courses, ce chiffre n’est pas réaliste. Le nombre idéal serait donc d’une quarantaine mais avec une participation à toutes les grandes ferias. Il est conscient du fait qu’il ne pourra pas monnayer à l’infini la grande porte d’août dernier à Madrid car, dans cette société de consommation, les succès sont vite consommés et oubliés d’autant plus que la concurrence est forte. Les succès s’obtiennent au jour le jour…
A la question de savoir quel serait le cartel idéal, le maestro répond qu’il aimerait confirmer l’alternative à son frère à Madrid avec, pour témoin, Sébastien Castella qui est un ami de son frère et que Javier respecte beaucoup. Quant aux taureaux, l’important pour lui est qu’ils soient des partenaires qui chargent. Les Santa Coloma sont un de ses encastes préférés car il les comprend bien et il avoue un petit faible pour le bétail de La Quinta.
Quant à sa relation avec les figuras, Javier ne ressent aucune réticence de leur part à le laisser entrer dans les cartels et il pense que, en tant que jeune torero, il peut, sans leur faire d’ombre car elles n’ont plus rien à prouver, s’autoriser à rivaliser aux quites avec eux comme il l’a fait avec Morante à Séville.
Merci beaucoup, c’était très intéressant à lire.
Bien à vous. Gabrielle
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