Le Club est heureux et fier de recevoir Paco Ureña qui a connu des succès marquants après avoir, en 2013, surmonté une période difficile à la suite de son alternative et qui, cette saison, par sa tauromachie qui associe sincérité absolue, pureté d’exécution et ténacité, a fait vibrer Séville puis obtenu l’adhésion de Madrid. L’authenticité de son jeu, parfois non dénué de fragilité, lui confère une intensité émotionnelle très particulière.

Un instant de la tauromachie épurée de Paco Ureña © Graciosa Verdi
Paco ne saurait dire comment il est arrivé à la tauromachie; Il sait seulement qu’il a toujours voulu être torero alors que ses parents n’étaient nullement aficionados et que, même si dans la Province de Murcia dont il est originaire, les spectacles taurins étaient nombreux, lui-même n’avait aucun contact avec le milieu taurin,
Dès 10/11 ans, Paco fréquente l’école taurine de Murcia et prend un grand plaisir à manier les trastos ; A l’âge de 15 ans, il poursuit son apprentissage à l’école taurine d’Almeria puis, comme il a besoin d’un environnement d’élevages, il décide de quitter le cadre familial et de partir vivre en Andalousie. Il prépare sa valise en cachette et, un beau matin, demande à son père de l’accompagner au bus. Ce jour-là, pour la première fois, il a vu son père pleurer. Au cours de son parcours de formation, Paco va fréquenter aussi l’école taurine de Madrid et se forger dans les dures novilladas de cette région dite « Valle del Terror », réputée pour mettre les novilleros débutants face à un bétail exigeant plus proche du toro adulte que du novillo. Sur ce chemin ardu, Paco a survécu en solitaire mais les nombreuses difficultés affrontées et surmontées l’ont aidé à construire sa personnalité. A la question de savoir comment ont réagi ses parents, Paco dit que cela a été très dur pour eux car, depuis son départ à l’âge de 15 ans, ils ignoraient ce qui pouvait lui arriver. Comme il est une personne très secrète, il leur a toujours caché combien c’était dur pour lui. Un jour, en pleine déprime, il a annoncé en pleurant au téléphone à son père qu’il allait tout quitter et rentrer à la maison, mais son père lui a répondu qu’il n’en était pas question et qu’il devait continuer ! Paco considère qu’il a eu la chance d’avoir les parents qu’il a et qui l’ont toujours appuyé bien qu’il ne leur ait jamais rien dit.
N’étant pas d’une famille taurine, Paco a construit lui même sa propre culture et sa personnalité taurines. Les périodes difficiles de son chemin ont forgé sa personnalité et son toreo, basé sur un grand respect du toro. Il a été très marqué par Juan Mora et par José Tomas. Comme Jose Tomas, il a l’obsession d’oublier son corps à l’hôtel. L’important pour lui est de ne pas se décevoir et de réaliser la tauromachie qu’il veut faire.
C’est en 2006, dans sa ville natale de Lorca, que Paco prend l’alternative mais, très vite, le chemin de Croix commence. Les contrats ne sont pas au rendez-vous et les occasions de sortir de l’anonymat sont pratiquement inexistantes. Avec deux ou trois corridas par an, Paco s’efforce d’y croire, d’espérer mais il est perclus de doutes. Ce sont son amour et son respect du toro qui lui ont permis de garder confiance. En outre, le Mexique a joué un rôle très important au cours de cette période ; alors qu’il était en plein désarroi, très affecté de ne pas avoir de contrats en Europe, il y a reçu un formidable accueil, a pu y toréer et s’y est fait d’excellents amis. Le Mexique l’a beaucoup aidé à réduire son anxiété. Il conserve un attachement fort à ce pays où il aime toréer, comme d’ailleurs au Pérou ou en Colombie.

Paco Ureña et Araceli Guillaume © Graciosa Verdi
En 2013, le 25 août, Paco Ureña peut enfin confirmer son alternative dans les arènes de Madrid ; devant son second toro de Martin Lorca il coupe une oreille qui, non seulement lui ouvre quelques contrats, mais aussi conduit les Chopera, intéressés par l’authenticité de son toreo, à souhaiter gérer sa carrière ; la longue période de souffrance et de larmes semble toucher à sa fin. De 2014 et 2016, avec les Chopera, Paco va connaître trois grandes années avec des triomphes, mais aussi des échecs. Ainsi, en 2015, la faena inaboutie devant un toro de Fuente Ymbro à Madrid, transformée en lourd échec par une campagne de presse malveillante qui plongea le matador dans une sorte de dépression, fut heureusement effacée par un grand triomphe à Pampelune devant les toros de Escolar Gil avant que, lors de la Feria d’Otoño, Madrid ne célèbre la faena devant le toro « Murciano » d’Adolfo Martin comme une des plus pures et des plus intenses de toute la temporada.
Au cours de ces trois ans, Paco a subi de graves blessures, telle celle de mai 2014 à Madrid, qui lui ont fait vivre un calvaire pour surmonter la douleur et continuer de toréer, mais il a toujours fait face.
Cette année, la saison 2016, a été jalonnée de succès importants : Valencia lors des Fallas ; Séville avec une faena de temple face à un Victorino Martin ; Madrid, une oreille à chacune de ses corridas de la San Isidro ; Malaga avec une faena gratifiante devant un Santiago Domecq. Au cours de toutes ces journées, Paco Ureña s’est trouvé en totale harmonie avec les exigences de son idée du toreo. Il a eu le sentiment d’atteindre la plénitude. A Madrid, il a connu deux après-midis de grande force mentale où il a oublié son corps. A Séville, il n’a pas regretté de ne pas avoir « touché » au sorteo le toro « Cobradiezmos » qui fut gracié par Manuel Escribano. Il déclare même avoir été profondément ému et heureux de voir son ami Manuel s’imposer et mettre en valeur ce toro, excellent mais très exigeant, pensant d’ailleurs qu’il n’était pas certain qu’il eût réussi de la même façon. En outre, Paco Ureña estime positif que l’indulto existe ; c’est à ses yeux une disposition conforme au respect du toro et à l’expression de sa bravoure et nécessaire pour laisser à l’animal toutes les chances, dès lors qu’il a tout donné dans le combat.
Après 26 corridas et de nombreux succès dans des arènes majeures avec des élevages de catégorie, Paco déclare qu’il va être difficile de refaire en 2017 uns saison aussi pleine. Tout en soulignant sa gratitude à la Casa Chopera pour ce qu’elle lui a apporté, il affirme sa satisfaction de travailler désormais avec Simon Casas comme apoderado. Cette situation devrait lui permettre d’être présent dans toutes les grandes ferias et de figurer dans les cartels importants. Mais, il n’envisage pas de modifier fondamentalement son toreo et d’abandonner les élevages auquel il doit beaucoup comme les Albasserada d’Adolfo ou Victorino Martin auxquels il entend rester fidèle.
A propos du thème du nombre de contrats, Paco estime qu’un nombre excessif ne favorise pas la tauromachie parce qu’il est impossible de maintenir un même niveau de perfection pendant 40 corridas, voire plus. Trop toréer dessert la tauromachie car le torero ne peut pas être toujours au mieux de lui-même. Certes, si les figuras qui cumulent les prestations sont figuras, il y a sûrement de bonnes raisons, mais une telle inflation conduit inévitablement à pratiquer un toreo moins authentique. Très exigeant avec lui-même, Paco va essayer de durer le plus longtemps possible mais, compte tenu des exigences de sa conception du toreo, ce n’est pas évident ! Il continuera tant que sa tête et son cœur suivront.
Dans son toreo, Paco continue d’approfondir et d’améliorer les suertes fondamentales ; il travaille notamment avec constance l’estocade qu’il estime ne pas maîtriser suffisamment et où il connaît des performances très irrégulières. Il pense toutefois que si en 2015 à Bilbao, la présidence lui a accordé des oreilles, c’est sans doute plus pour ses deux excellents coups d’épée que pour ses faenas, dont il estime qu’elles n’ont pas été au meilleur niveau. À Madrid en revanche c’est à trois ou quatre reprises que des échecs à la mort l’ont privé de la grande porte.

Le public attentif du Club © Graciosa Verdi
Lors de la San Isidro 2016, la sincérité absolue dans le toreo de Paco Ureña a touché tous les spectateurs et, parmi eux, les membres d’une équipe mexicaine de tournage cinématographique dont certains étaient a-taurins voire anti, au point qu’il est devenu le torero fétiche de l’équipe qui s’est promis de se retrouver lors d’un « seul contre six » de Paco à Madrid, annoncé pour le dimanche des Rameaux 2017. Paco se dit très ému de savoir que des spectateurs ont pu percevoir ce qu’il essaye avant tout de transmettre, à savoir l’expression de son sentiment et son respect de l’animal mais, malgré les rumeurs, il a le regret de préciser qu’une encerrona à Madrid en début de saison 2017 ne figure pas dans ses projets.
Interrogé sur Pepín Jiménez (de Lorca également), Paco répond que si ce torero, très aimé de son public et important dans sa ville, a eu une influence sur sa culture taurine ce fut tardivement car dans sa jeunesse il ignorait jusqu’à son existence.
Paco aime la France taurine; il y a connu de beaux après-midis et en parle avec sincérité. Il apprécie le sérieux du public français à une réserve près relative aux exigences. Il lui semble en effet que les comportements du public sont différents le matin et l’après-midi, que les niveaux d’exigence ne sont pas les mêmes, que souvent quand le public juge une faena, il ne fait pas la distinction entre les toros durs et les toros commerciaux. Il pense aussi que le public français devrait être moins irrégulier dans ses critères d’appréciation.
A la question de savoir comment il voit le monde taurin et la concurrence, Paco répond qu’il sait d’où il vient, qu’il sait ce qui est dur, ce qu’il a souffert et ce que coûte la lutte, et cela lui permet d’être une « personne bonne » ; Il n’est en concurrence avec personne si ce n’est avec lui-même qui est « son pire ennemi ». Il y a aujourd’hui une tendance à ce que les toreros soient repliés sur eux-mêmes, cette attitude n’est pas bénéfique à la tauromachie; Le torero n’est ni un être exceptionnel ni un être supérieur. Il est simplement capable d’exposer sa personne pour réaliser une œuvre d’art: le torero passe, la personne reste et, pour cela, il faut être bien de façon absolue.