Le lundi 10 décembre, le CTP a reçu Miguel Ángel Perera pour rendre hommage à sa carrière et mieux connaître ce matador représentatif de la tauromachie des deux premières décennies du XXe siècle, qui a effectué en 2019 sa 15e saison comme matador de toros.
Au cours de cette soirée, le parcours du torero d’Estrémadure a été salué et la philosophie d’indépendance qui l’a toujours caractérisé a été soulignée. En outre, cette rencontre a permis à nombre de membres du club d’évoquer, en présence du maestro, plusieurs tardes mémorables représentatives de sa personnalité artistique marquée.
Avant de partager le dîner avec un nombre important de membres du club et d’invités, dont des personnalités telles que Florence Delay de l’Académie Française et le philosophe Francis Wolff, Miguel Ángel a répondu avec amabilité et sincérité aux nombreuses questions du public.
A propos des moments marquants de son parcours, il a choisi d’évoquer la saison 2007 – la première avec Fernando Cepeda comme apoderado – comme étant la plus déterminante. Il a ensuite souligné combien 2012 avait été difficile en raison de tout ce qu’il avait vécu autour du soi-disant G10 et reconnu que les résultats les plus décisifs pour sa carrière avaient été ceux de 2008 et de 2014. Il a avoué que la corrida avait rempli sa vie de moments inoubliables et de moments douloureux comme celui de sa grave blessure de Salamanque en 2015.
Miguel Angel Perera pendant la conférence © MLBAC
En réponse à une question sur la naissance de sa vocation, Miguel Ángel a souligné que, dans son enfance, alors même qu’il n’était pas issu d’une famille taurine, il préférait jouer au toro qu’au foot. Il avait demandé à son père de l’inscrire à l’école taurine et en attendant que celui-ci veuille bien le faire, il suivait avec passion les nombreuses retransmissions télévisées de corridas que donnaient les différentes chaînes au milieu des années 90. Son idole d’alors était « Jesulin de Ubrique« .
Après ce premier «miroir », conduit par le souci d’apprendre toujours des meilleurs pour progresser et se forger son propre style, il a cherché d’autres modèles aussi bien grâce à des vidéos, en remontant à la tauromachie de Paco Ojeda et de Damaso González, mais également en admirant la personnalité d’un torero comme José Tomás auréolé de ses succès des années 1998 et 1999. Perera refuse d’être cantonné dans une des catégories habituelles (artiste, technicien, vaillant) mais se considère aujourd’hui comme un torero artiste. Capeador varié et brillant, ayant du goût et de la facilité pour les passes avec la cape dans le dos, il estime toutefois que la véronique, quand elle est parfaitement exécutée (ce qui est difficile), est le plus beau des «lances». A la muleta, il reconnait avoir plus de facilités avec la main droite tout en cherchant à toujours mieux toréer de la gauche. S’agissant de la mise à mort, il avoue une certaine irrégularité dont il cherche les causes sans être certain de les identifier.
Au sujet de ses élevages favoris, le diestro de Puebla del Prior a insisté sur le fait que sa préférence pour tel ou tel élevage se fondait essentiellement sur les résultats obtenus, qu’il s’agisse de triomphes ou simplement de moments où il s’est senti « a gusto » en les toréant. C’est ainsi qu’il a mentionné les fers de Puerto de San Lorenzo, de Valdefresno et de Jandilla parmi ses favoris, sans oublier le lien privilégié qu’il entretient, comme torero et comme personne, avec la ganaderia de Fuente Ymbro et son propriétaire Ricardo Gallardo.
A un invité qui lui faisait remarquer qu’il avait très certainement la meilleure cuadrilla du moment, le maestro a répondu qu’effectivement, de l’ayuda à l’apoderado, il avait la chance d’être entouré des meilleurs parmi les professionnels. Durant la lidia, sans qu’il ait à leur donner d’ordres, ses banderilleros et picadors savent parfaitement ce qu’ils ont à faire et comment le faire. Cette complémentarité se forge par des échanges professionnels et personnels tout au long des temporadas. Ces liens forts sont illustrés par l’amitié durable qu’il affirme avec Fernando Cepeda et qui demeure même si le lien professionnel n’existe plus.

A la fin de la soirée a été évoqué le mano a mano d’Algesiras avec José Tomas auquel de nombreux membres du club ont eu la chance d’assister. Miguel Ángel a souligné que ce fut pour lui une journée inoubliable à plusieurs titres. Avoir été choisi par un maestro qu’il admire était à la fois un grand honneur et une lourde responsabilité. Il était conscient que le public (y compris sa famille et ses amis) se déplaçait pour Tomas. Il avait à cœur de ne pas les décevoir et espérait qu’un des toros lui permettrait d’exprimer le meilleur de son toreo. Le toro « Libélula » de Jandilla, qui fut gracié, alla donc bien au-delà de ses espérances.
Enfin, à une question sur la signification de sa façon constante et tout à fait particulière de déposer sa montera après le brindis, il a répondu en souriant qu’il n’y avait là aucun rituel et aucune superstition mais qu’ayant fait ce geste un jour, sans doute pour n’être pas gêné par la montera en toréant, comme il aime le faire, au centre de la piste, c’est devenu pour lui une habitude.
Ce torero, que beaucoup perçoivent comme « froid », s’est progressivement révélé sous un jour différent et, par la simplicité, la sincérité, voire l’ironie de ses propos, a fourni aux aficionados qui admiraient sa puissance technique, d’autres raisons de suivre avec un intérêt accru la nouvelle étape de sa carrière.