Quelle parenté entre passion taurine et passion littéraire ? Qu’est-ce qui pousse des aficionados à vivre leur afición en la faisant partager par l’écriture ?
Pour contribuer à construire des éléments de réponse à ces questions, deux membres du Club, Nicolas Havouis et Vincent Maes, auteurs de nouvelles taurines reconnues par différents prix spécialisés, ont accepté, dans un mano a mano amical, d’alterner lectures de leurs œuvres et réflexions sur leur démarche.

Vincent Maes et Nicolas Havouis © MLBAC
Un public nombreux, attentif et comme embarqué par les univers des différents extraits, s’est laissé successivement entrainer par la polysémie du vocabulaire taurin de Un chagrin d’aficionado puis par les tribulations d’un aficionado “parisieng“ en terre taurine, puis de voir répondre aux picaresques Miura de Saint-Pétersbourg l’affirmation de l’épicier biterrois: Aujourd’hui, c’est les Miura ! et a revécu, métamorphosé par la fiction de The Sorrow, le retour aux pistes d’un matador valencien, mis en parallèle avec la plus inattendue métamorphose tauromachique de Riberito…)
Entre ces lectures, qui s’enchainaient dans un mouvement naturel, les auteurs s’attachaient à expliciter ce qui les pousse à écrire :
« Ecrire n’est pas une démarche marketing; On ne choisit pas les sujets qui pourraient plaire mais ceux que l’on a en tête. Il faut qu’ils mûrissent. Ecrire n’est pas stratégique, c’est un plaisir.»
« Le moteur pour écrire, c’est de faire partager ce que l’on aime; On ne se pose pas la question de savoir pourquoi l’on écrit; le plaisir, c ‘est abord pour soi.»
« Ecrire c’est un plaisir gratuit pour faire partager des émotions. Le fait d ‘écrire sur les taureaux prouve que c’est une culture. »
Mais par delà le plaisir, il faut se confronter aux exigences de la langue et du style. Quelle part faire alors aux hispanismes du jargon tauromachique ? Quels registres de langue mobiliser pour rendre compte à la fois de la fugacité et de la force émotive du combat entre l’homme et le taureau ?
« Au delà du plaisir, il y a de la contrainte : c’est comme pour un tableau, on lit, on corrige, on relit, on est jamais totalement satisfait… Le sujet taurin suppose souvent d’utiliser des termes faisant partie d’un “langage d’initiés“ mais cela ne suffit pas pour autant que l’auteur ne souhaite s’adresser qu’au cercle restreint des aficionados. D’ailleurs, le Prix Hemingway lui-même, bien que défini par la juxtaposition “littérature et tauromachie“, n’a jamais imposé à ses participants de ne s’adresser qu’à un public exclusivement taurin ! » Toutefois « Il faut coller au sujet ce qui exige un minimum de langage technique. La tauromachie, c’est une culture, et qui possède sa langue, présente aussi en France où se publient beaucoup de livres taurins».
«Dans l’arène, ce sont les émotions, le beau qui dominent. Si on pouvait écrire le dixième de ce que l’on se raconte dans sa tête, on serait trop prolifique. Les idées surgissent durant la corrida, après quoi il faut qu’elles germent».
« Quand on assiste à une corrida, on ne pense pas aux mots; Le style vient après, c’est alors qu’on entre dans la littérature »
Une remarque des auditeurs sur le caractère profondément romanesque et littéraire de l’affrontement entre homme et toro dans sa dimension dramatique, voire tragique de l’homme face au jeu de la vie et de la mort, qui n’a pas été centrale dans les extraits lus, suscite de riches échanges sur les diverses approches et sur les différences qui peuvent exister entre une perspective à dominante « afición» et une autre à dominante « romanesque » ; le sang et la mort sont toujours présents mais l’auteur aficionado peut trouver quelque peu déplacé et « pesant » de mettre un accent trop marqué sur cet aspect de la tauromachie.
Au terme de ces lectures et des échanges qui les accompagnaient chacun se prenait à évoquer ses lectures marquantes, ses goûts personnels dans le large éventail des formes d’écriture que suscite la tauromachie et, en remerciant très chaleureusement nos deux amis qui avaient fait rêver tous les auditeurs, on leur demandait, non sans curiosité, quelques indications sur leurs projets d’écriture. Cette thématique, jusqu’alors non abordée au Club, est loin d’être épuisée !
Merci beaucoup. Gabrielle
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